
En 2023, la Commission européenne a infligé une amende de 376 millions d’euros à une grande plateforme de streaming pour non-respect des obligations de transparence envers les ayants droit. Jusqu’à récemment, certains contrats entre plateformes et producteurs échappaient à tout contrôle, malgré la directive européenne sur le droit d’auteur adoptée en 2019.
Des artistes dénoncent une rémunération opaque alors que les géants du secteur multiplient les accords confidentiels. La pression s’intensifie sur les législateurs pour exiger la publication des algorithmes de recommandation et des modes de calcul des redevances. Les discussions sur la prochaine réforme européenne s’annoncent déterminantes.
Streaming et transparence : état des lieux des régulations en Europe et enjeux pour le secteur
Le marché du streaming a été chamboulé par la montée en puissance des plateformes numériques. Leur influence pousse les législateurs, en France comme à Bruxelles, à revoir les règles du jeu. Depuis la directive sur les services de médias audiovisuels, la Commission européenne martèle la nécessité d’imposer aux plateformes de streaming des obligations concrètes de transparence, notamment autour de la collecte et l’utilisation des données personnelles des utilisateurs. La France, avec la loi pour une République numérique, a musclé le droit à une information loyale et transparente sur les algorithmes de recommandation. Pourtant, sur le terrain, la transparence reste timide et fragmentaire.
Plusieurs axes structurent aujourd’hui la régulation du secteur :
- Protection des données personnelles et des consommateurs
- Lutte contre les abus de position dominante des acteurs majeurs
- Préservation de la diversité culturelle par des quotas et la chronologie des médias
Depuis 2024, le Digital Services Act renforce l’obligation de clarté sur les algorithmes de recommandation et les pratiques commerciales. Mais les plateformes maîtrisent l’art d’esquiver certains points, invoquant tantôt le secret des affaires, tantôt la sécurité des systèmes.
Sur ce terrain, impossible de parler d’un modèle unique. D’un service à l’autre, tout change. Certains, comme Allostream, interrogent la légitimité et le niveau de sécurité de leur modèle, illustrant la frontière mouvante entre offre légale et zones grises du streaming. La protection des données personnelles utilisateurs reste un nœud central, alors que la concentration du marché et les logiques de business model entretiennent l’opacité. Les débats autour de la taxe GAFA, du décret SMAD ou de la taxe COSIP cristallisent les oppositions entre souveraineté nationale et harmonisation européenne.
Artistes, consommateurs, plateformes : quelles conséquences et quelles pistes pour un modèle plus équitable ?
La transparence ne se décrète pas, elle se construit pas à pas. Elle doit s’incarner dans les usages, les interfaces, la façon de répartir la valeur. Les artistes, en première ligne, attendent un partage plus juste, lassés de l’opacité entretenue par les modèles économiques des plateformes de streaming. Les mécanismes de répartition, complexes, bénéficient encore aux catalogues déjà installés, laissant la diversité culturelle et les talents émergents sur le bord du chemin. Les quotas de productions locales et la place accordée aux langues minoritaires alimentent des discussions vives, révélant la tension constante entre ambitions mondiales et réalités territoriales.
Pour les consommateurs, la collecte et le traitement de leurs données personnelles restent sujets à débat. Les recommandations algorithmiques, souvent obscures, orientent leur découverte des œuvres et sculptent leurs habitudes, voire leur identité numérique. La demande d’une information loyale et transparente sur ces usages devient un marqueur de confiance, mais aussi un enjeu de contrôle collectif.
Côté plateformes, la régulation agit comme un aiguillon. Adapter les interfaces, repenser la gestion des données, assumer une responsabilité éditoriale accrue : les défis s’accumulent. La qualité de service, la diversité accessible, mais aussi la protection des consommateurs, deviennent des arguments de poids dans une concurrence de plus en plus dure et face à une méfiance grandissante.
Trois axes majeurs dessinent les attentes et les pistes d’action :
- Transparence des algorithmes de recommandation : un levier pour rétablir la confiance.
- Rémunération équitable des artistes : condition d’un secteur créatif vivant.
- Protection des données personnelles utilisateurs : fondement d’un modèle respectueux et durable.
Le chantier reste ouvert, immense, et la prochaine réforme européenne pourrait bien redéfinir l’équilibre entre innovation, équité et souveraineté numérique. Les cartes du streaming n’ont pas fini d’être rebattues.